dimanche 26 mai 2013

La lecture d'Alias

http://alias.codiferes.net/wordpress/index.php/anamnese-de-lady-star-de-l-l-kloetzer/

Cela dit, au final, j’ai trouvé dans Anamnèse de Lady Star un très bon bouquin de science-fiction, sur des thèmes peu courants et pas évidents à traiter. Ambitieux, sans doute; trop, peut-être. Il est peut-être un ton en-dessous de Cleer en ce qu’il me paraît plus décousu et moins immersif, mais cela ne m’empêchera pas de le recommander aux amateurs de science-fiction atypique.

Efelle a lu l'Anamnèse....

... et vu certains des liens avec d'autres livres.

http://efelle.canalblog.com/archives/2013/05/25/27240066.html

Sa théorie des déclencheurs et des assonances profondes trouvait ici un auditoire fasciné parce que capable d'envisager une mise en application directe de ses idées de dingue : transformer la culture d'un peuple de l'intérieur par une révision de ses fondamentaux psychoculturels. Un rêve de psychopathe : et si on commençait par réinitialiser tous les emmerdeurs en modifiant leurs idées sans même qu'ils s'en aperçoivent ? Calmons les énervés, apaisons les esclaves, et convainquons tous nos immigrés clandestins de se rendre dans les camps de refoulement. Mais bien sûr.
Un scientifique à la pointe d'une discipline révolutionnaire, un officier dément et surtout une Elohim. Entité étrange, vaporeuse, vivant de l'attention qu'on lui porte, à la fois muse, esclave et protectrice des deux premiers... Les années passent, le projet est violemment annulé. Quelques disciples et barbouzes échappent à la purge, permettant le Satori, une bombe iconique censée éradiquer les cultures musulmanes. L'efficacité de l'attentat échappe à tout contrôle, une pandémie à base de symbolique envahit tous les médias, balaye l'humanité et persiste au travers de porteur lents, sauvages à l'espérance de vie courte...

Les nations s'effondrent, le monde change, quelques enclaves subsistent, tentant de reconstruire une société en orbite et de sauver les populations en hibernation...

Je me suis tenue longuement devant le miroir ce matin. J'y étais telle que dans votre regard. Croyez votre coeur, votre mémoire, vos sentiments, vous m'avez vue, cher Jamie, telle que je suis en moi-même. Pardonnez mes tromperies et mes artifices.

Ne vous sentez pas obligé de me cacher. Je sais que la jeune femme vous a contacté, qu'elle a su vous toucher, à raison. Elle m'est précieuse elle aussi, j'ai besoin d'elle, de son attention, mais elle ne le sait pas encore. Dites-lui de moi ce qui conviendra, vous avez toute ma confiance. Plus tard, quand le temps sera venu, je lui parlerai, je lui offrirai des énigmes et des mystères.


Dans la première décennie qui a suivi le Satori, histoire de mettre fin aux conflits, une commission d'enquête à chercher à comprendre les faits, identifier les coupables, les traquer et juger... Trente ans plus tard, la traque continue à travers l'exploration d'archives. Travail de fourmis, au résultat aléatoire et ayant mené parfois à des opérations commandos. Une proie leur échappe encore : la muse. Hypasie, Nomen Rosae, Marguerite, Hécate, nombre d'identités et d'apparences qui mène à douter de l'existence de cette Elohim, pourtant impliquée dans le plus crime que l'humanité ait connue.

Elle veut qu'on la cherche, Christian, elle nous raconte une histoire. Pas un de ces scénarios où tout s'arrange, où chaque point répond à une question, non, elle nous raconte une histoire vraie, faite de témoignages contradictoires, de balbutiements, de rêves, faite de ce que nous sommes et de ce que nous aurions aimés être. Et chaque élément que nous découvrirons complétera l'image et la contredira, ouvrira de nouvelles portes, pour que nous continuions à travailler, à avancer dans le labyrinthe, à penser à elle. Elle a besoin de nous, elle a besoin que nous la cherchions à jamais.


Narration éclatée, couvrant sur plusieurs décennies l'élaboration d'un cauchemar et la pénible reconstruction qui s'en suit, avec pour fil rouge une créature équivoque, manipulée et manipulatrice, victime et bourreau.

Le récit est habile, relevant à la fois du puzzle, du labyrinthe et de la mystification, se permettant quelques clins d'oeil au passage (tant à des monuments de la SF, qu'à Yirminadingrad, aux premières armes de Laurent Kloetzer ou du couple) : varié, prenant, captivant malgré quelques longueurs sur la fin. L. L. Kloetzer signent ici, une oeuvre puissante, fascinante, qui marque durablement. Une réussite indéniable.

vendredi 24 mai 2013

L'avis du Naufragé Volontaire

http://naufragesvolontaires.blogspot.ch/2013/05/anamnese-de-lady-star-ll-kloetzer.html

Si j'ai découvert avec plaisir le couple Kloetzer au travers de la nouvelle "Trois singes" présente dans "Retour sur l'horizon", je n'ai hélas pas encore lu "Cleer" qui a reçu le Prix Planète SF en 2011. Il fallait bien que je me rattrape sur l'actualité en lisant "Anamnèse de Lady Star" dont la quatrième de couverture annonçait un roman plus qu'intéressant.

Cette quatrième de couverture met en avant l'attentat iconique, celui-ci n'est qu'une brève partie de l'histoire, l'occasion de lancer une enquête autour d'un personnage étrange, un être aux noms multiples : Kirsten, Nomen Rosae, Hypasie ou encore Marguerite. Mais qui est-elle? Voilà ce que l'enquête essaye de déterminer. Ce que l'on sait, c'est que c'est une Elohim, un être venu des étoiles. Le récit nous apprendra que cet être n'existe que par l'attention que l'on lui porte, que parce que l'on croit en elle. En hébreu, Elohim signifie Dieu. Faudrait-il voir en elle un être presque divin? Un être qui, comme les dieux, existe uniquement parce que l'on croit en eux. Qu'ils disparaissent quand la foi s'évanouit?
Dans ce futur incertain, les humains et ces extra-terrestres d'Elohim cohabitent. Les uns, inspirés par les autres. Dans un décor très post-apocalyptique, celui de l'après Satori, on suivra cet être étrange aux noms multiples, souvent indirectement, soit au travers d'un personnage qui l'a rencontré, soit au travers d'une personne qui fait des recherches sur elle. Si l'on enquête sur elle, c'est parce qu'elle a pris part au Satori, cet événement terroriste qui a lancé une pandémie par l'explosion de la bombe iconique. Une maladie qui se transmet de manière bien étrange : un simple contact visuel!
Un récit qui se promène entre réalité et fantasme, entre passé et présent, entre reconstruction du passé et traque d'un être qui n'existe que par le regard des autres, tout en se dérobant continuellement à ceux-ci.
Un être qui ne disparaît donc jamais, un être qui se réincarne par le simple fait d'y penser. Un être que tout le monde cherche, la clé du Satori, une femme qui se dérobe à toute approche, un être étrange, fait de réalité et de fantasme.

"Anamnèse de Lady Star" est un livre qui demande de l'attention. Densité de l'histoire, densité du récit et des personnages. Une densité qui peut fatiguer mais qui titille les neurones et la curiosité du lecteur., forcant celui-ci à s'immerger dans le récit plutôt que de lire de manière passive. Le roman construit par L.L. Kloetzer n'est pas un bête divertissement. Le récit est lui-même construit de manière non-linéaire, mais là n'est pas la complexité. Chaque pièce du puzzle de cette enquête est liée aux autres, imbriqué dans les autres parts du récit créant un corpus cohérent bien ficelé. Au niveau du style, les phrases sont généralement courtes et incisives donnant un rythme particulier au récit. Un style percutant mais qui demande une lecture attentive, notamment par les néologisme et le cadre déstabilisant. Néanmoins, le phrasé peut changer d'un chapitre à l'autre, variant en fonction des personnages, incitant ainsi le processus immersif dans un récit très psychologique.

"Anamnèse de Lady Star" n'est donc pas un livre facile d'accès. C'est un livre exigeant de par son récit qui demande une attention continuelle. Ce ne sera donc pas le roman de l'été qui vous déliera les neurones, mais bien un roman qui vous éblouira si vous êtes disponible et réceptif au moment de sa lecture. Un roman qui rebutera certains lecteurs, avec raison, par son côté hermétique, mais qui en émerveillera d'autre de par son ampleur et son travail littéraire.

Bref "Anamnèse de Lady Star" est un livre qui divisera les lecteurs. Et c'est pour moi un bon signe! Un livre qui vaut le détour pour qui est prêt à s'immerger. Un roman exigeant comme un "Tous à Zanzibar" de John Brunner ou "L'usage des armes" de Iain M. Banks, trop peut-être. Un livre dont les points clés sont : la complexité de l'histoire, le processus narratif, la plume des auteurs et le côté psychologique du récit. Je termine donc ce roman assez conquis mais avec quelques réserves car je pense que cela restera un roman difficile, d'une lecture pas toujours facile...

mardi 21 mai 2013

Vertigineux -- sur parutions.com

http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=1&srid=374&ida=15655

Tout commence avec la fin du monde, un fin inattendue, terroriste, qui voit les 3/4 de la population mondiale disparaître, la conscience cramée par une bombe d’un nouveau genre, une «bombe iconique». Et – cocorico douteux – ce sont des terroristes français qui sont à l’origine de sa conception comme de son utilisation, un truc particulièrement vicieux en ce que ses effets demeurent contagieux sur le long terme...

Une cinquantaine d’années plus tard, dans un monde renouvelé, mais qui se relève lentement, et s’est, entre-temps, réfugié dans les étoiles et dans les univers virtuels, une organisation secrète singulière, Vergiss mein nicht, traque les divers auteurs de l’attentat, et particulièrement la muse terroriste. Car la bombe procède d’une réflexion à la fois militaire et esthétique, et il a donc fallu une muse pour en catalyser et, dans une certaine mesure, en sublimer la puissance mortelle. Or cette muse est du genre ineffable : dans ce présent alternatif, des êtres venus des étoiles, les Elohim, ont fait leur apparition, des êtres qui nous ressemblent, mais qui ne vivent que de notre regard, de nos sentiments à leur égard, des êtres aux personnalités multiples, aux traits flous, capables d’apparaître et de disparaître au gré des envies.

C’est l’un de ces être que Magda Makropoulos et Christian Jaeger, au sein de Vergiss mein nicht, traquent, chacun à sa manière : qu’on l’appelle Hypasie, Nomen Rosae, Kirsten Lie, etc, qu’elle soit blonde ou rousse, asiatique ou européenne, elle virevolte dans votre présent, s’ingère dans votre passé pour le modifier, pénètre dans les mémoires et les sens… Elle est l’équivalent féminin du chat du Cheschire, insaisissable et si perfidement séduisante. Une muse mortelle qui s’affronte au monde réel, traquée par ceux qui savent déchiffrer le passé, suivre – ainsi que des chasseurs - des traces en forme d’octets dans les mémoires mortes des ordinateurs : les historiens. Une traque donc, à cheval entre réel et virtuel, présent et passé, humanité et fantômes.

Certains romans attirent le superlatif : Anamnèse de Lady Star est indéniablement de ceux là. Laurent Kloetzer avait déjà à son actif un roman de fantasy remarqué, Le Royaume blessé, ainsi qu’un roman d’anticipation bluffant de maîtrise et de brio, Cleer. Bref, il s’était discrètement installé dans cette catégorie des auteurs à suivre, et dont on se dit qu’ils gagnent en puissance. Et le pari est tenu, au-delà des attentes : Anamnèse de Lady Star est sans doute l’un des romans de SF les plus aboutis, les plus bluffants du moment, qui révèle un écrivain maîtrisant parfaitement son projet, sensible à la musique des mots autant qu’à l’architecture de l’intrigue.

La méthode Kloetzer est rodée : le lecteur est lancé, sans explication ni lexique préalable, dans un univers spécifique avec ses mots, ses codes, son histoire. Au lecteur, un seul commandement : avance et débrouille-toi, apprends, découvre ton environnement et suis le lapin blanc. On part donc d’un Paris futuriste, qui pourrait être celui de Cleer, une anticipation légère… pour se retrouver, cinquante années plus tard, sur une planète dévastée, partagée entre des malades porteurs du virus iconique et retournés à l’état sauvage, et une société tournée vers les étoiles et les vertiges de la communication absolue. Entre ces deux mondes, une guerre… qui n’est pas celle du lecteur. Celui-ci est en effet occupé à une traque d’un genre singulier, aux côtés d’archéologues numériques, capables de brasser les mémoires numériques du siècle passé pour y rechercher un silhouette ; le voilà plongé dans les prodromes de l’attentat à la bombe iconique, puis dans ses lendemains immédiats. Chaque chapitre est, en soi, une nouvelle, explorant un style, un contexte, une ambiance, et fournissant par ailleurs des indices, des clefs qui mènent progressivement à cette mystérieuse muse Elohim.

Il y a une folie maîtrisée dans ce roman, qui laisse le lecteur pantois, parfois pris de vertige devant les questionnements et les résonances de l’histoire. Si vous avez trouvé Matrix profond, alors Anamnèse de Lady Star va vous faire plonger dans des abîmes. Avec virtuosité, Laurent Kloetzer livre, par touches légères, une vision d’un futur ébranlé, et d’une humanité qui a finalement colonisé l’espace virtuel comme elle a colonisé, quelques siècles auparavant, sa planète.

Anamnèse de Lady Star fait partie de ces romans qui incitent à plusieurs lectures : une lecture de découverte, tout au plaisir de l’exploration et de l’intrigue, et une autre de décantation afin de saisir les références, les implications, les pistes laissées – visibles ou cachées – par l’auteur. Un éblouissement donc, auquel il faut souhaiter une reconnaissance ample, en attendant le prochain opus du docteur Kloetzer…

lundi 20 mai 2013

La lecture puzzle de Lhisbei


Anamnèse de Lady Star pourrait être comparé un puzzle. Pas n'importe quel puzzle cependant. Un puzzle géant dont l'image finale, image imprimée habituellement sur le couvercle de la boite et que le passionné cherche à recréer avec fébrilité, serait celle d'une femme de trois quarts dos, aux contours volontairement flous, au visage masqué par une mèche de cheveux d'une couleur indéfinissable. Ce puzzle serait baptisé Elohim ou Nomen Rosae, Hypasie, Kirsten voire Marguerite.
Le puzzle s'articule autour d'un point central : le Satori, jour où la bombe iconique a explosé, éradiquant une grande partie des êtres humains. Les pièces issues de l'avant (découverte et développement de la bombe iconique par une équipe de scientifique, essais, parcours des terroristes...) s'imbriquent avec celle de l'après (commission d'enquête et procès, conséquences sociétales...) au fur et à mesure des témoignages, récits et enregistrements parcellaires. Par ce biais le lecteur est à même de reconstituer dans les grandes lignes les évènements malgré la distance temporelle. La bombe iconique est très particulière : par le biais de signes et de jeux de lumière elle est capable de provoquer un effondrement de la conscience de l'individu, le conduisant plus ou moins rapidement vers la mort. La contamination se fait par simple contact visuel et la propagation est pandémique. L'effondrement de la conscience s'accomapgne d'une posture du corps particulière, regard blanc, mains en coupe, qui lui a valu d'être baptisé Satori. Notre Elohim, une presque humaine (dont la nature extra-terrestre profonde ne sera finalement qu'esquissée) serait la dernière personne du premier cercle des acteurs ou des témoins de la genèse de la bombe. Sous différentes incarnations, elle l'aurait inspiré, participé à sa création et détiendrait peut-être un savoir dangereux. Elle doit être éradiquée pour que la bombe iconique ne puisse être recréée. 
Ici nous avons la première strate du puzzle. Mais si c'était aussi simple, malgré toute l'habileté à mélanger les pièces, le roman ne serait qu'un puzzle un peu plus difficile qu'un autre à réaliser. Avec Anamnèse de Lady Star nous avons un puzzle 3D parce que les thématiques abordées de manière frontale ou tangentes sont nombreuses : cohabitation de deux civilisations (humains et ET), guerre terroriste mondiale, pandémie aux accents "zombies", traumatisme sociétal, devoir de mémoire (le fantôme de la Nuremberg n'est pas loin), mysticisme, pouvoir de la musique, réseaux sociaux et nanotechonologies (j'arrête là car j'en dis trop). Et si cela ne suffisait pas, ce puzzle 3D se révèle doublé d'un casse-tête (un peu comme celui-ci tiens) permanent car les frontières entre réalité et fantasme, entre faits et rêves, entre souvenirs et réécriture du passé, entre la vie et ses avatars virtuels, sont en permanence brouillées. Au lecteur de faire fonctionner ses neurones pour déterminer le possible du probable. Malgré toutes ces difficultés apparentes il ne m'a pas été difficile de lire Anamnèse de Lady Star. D'une part parce que la structure du roman se révèle solidement bâtie et cohérente (les pièces s'emboîtent bien) et parce que je suis toujours aussi subjuguée par la plume des Kloetzer. A chaque chapitre ou presque, un narrateur différent et un style différent, adapté. Loin de perdre le lecteur, le procédé donne des points de repère et permet de passer, en douceur, d'une pièce à l'autre et de l'imbriquer avec celle qui précède ou celle qui l'a précédée 150 pages avant. Et pour couronner le tout, les références abondent. Clin do'eil des auteurs : la méthode Karenberg fait le lien avec Cleer, le précédent roman du couple Kloetzer. A la fin Anamnèse de Lady Star ne se révèle pas totalement et continue à mûrir dans l'esprit du lecteur : habité par le roman, ce dernier cherche encore certaines clés de lecture.
Un mot sur la couverture de Stéphane Perger ? Magnifique (et preuve qu'un camaïeu rose peut-être sublimé).
Un extrait pour terminer
« Elle veut qu'on la cherche, Christian, elle nous raconte une histoire. Pas un de ces scénarios où tout s'arrange, où chaque point répond à une question, non, elle nous raconte une histoire vraie, faite de témoignages contradictoires, de balbutiements, de rêves, faite de ce que nous sommes et de ce que nous aurions aimé être. Et chaque élément que nous découvrirons complétera l'image et la contredira, ouvrira de nouvelles portes, pour que nous continuions à travailler, à avancer dans le labyrinthe, à penser à elle. Elle a besoin de nous, elle à besoin que nous la cherchions à jamais.  »

    La lecture (abandonnée) du Dragon Galactique

    http://ledragongalactique.blogspot.fr/2013/05/anamnese-de-lady-star-ll-kloetzer.html

    Encore un livre que j'attendais avec impatience. Ayant adoré CLEER des mêmes auteurs, je ne pouvais que me jeter sur Anamnèse de Lady Star, qui avait de plus un pitch aux échos apocalyptiques.

    A dire vrai, voilà, j'ai eu beaucoup de mal avec cette lecture. Emportée dans le premier tiers, j'ai passé le reste du livre à tenter d'assembler le patchwork hétéroclite des récits qui le constituent. En vain. Pourtant, le style des auteurs me plait toujours autant et l'histoire sort vraiment de l'ordinaire : on remonte la piste d'une femme extraterrestre, une Elohim, suspectée d'avoir participé à la conception d'une bombe qui ravagea une partie de l'humanité. Ce jour funeste a été appelé le Satori. Le roman tourne autour de cet événement et de cet être, dont on a perdu la trace et qu'il faut retrouver à tout prix.
    Je me souviens avoir eu la connaissance, avoir tenu la lumière dans mes mains. Le temps d'un battement de cœur, mes yeux se sont ouverts, enfin ... Je me souviens avoir su ce que tous cherchaient, ce que je retrouverai, ce que je te donnerai si je peux.
    Je suis d'autant plus déçue que je vois fleurir sur la toile des critiques très enthousiastes. Je suis passée à côté de quelque chose, visiblement. Au fond, je le sens. Peut-être n'étais-je pas prête pour cette lecture et sans doute que mes difficultés de concentration de ces derniers temps ont joué grandement dans mon impression de lecture. Ce n'est pas un livre qu'on lit en tournant nonchalamment les pages, c'est une lecture exigeante, immersive. Je vais le garder dans un coin de ma bibliothèque et un jour je le ressortirai. Quand ce sera le moment.

    mardi 14 mai 2013

    Article de Fanny Taillandier, dans Livres Hebdo

    (extraits)
    II y a quelque chose de borgésien dans l'univers foisonnant que Kloetzer met en place, et dans le rapport que les protagonistes de cette traque entretiennent. 

    Cela ne déplaira pas aux férus de SF, et les autres trouveront, dans cet univers surmformatif, surnumérique, où chacun porte un egg qui le connecte et le révèle à l'ensemble du réseau, un aperçu convaincant de ce que peut devenir un monde où tout est signe.

    La chronique de Cyrille


    Ce livre avait tout pour me plaire. De l’anticipation intelligente, bien écrite. J’avais vraiment aimé Cleer, premier livre du duo (L. L. Kloetzer est le « pseudonyme » de Laurent et Laure Kloetzer). Mais au bout de 200 pages (sur 445), malgré tous mes efforts, j’arrête : je ne comprends rien. Je suis paumé, je confonds les personnages, j’ai l’impression d’échapper à l’essentiel. Le principe du puzzle qui, en se complétant au fur et à mesure, nous donne à voir l’image complète, c’est très séduisant, sauf que je ne vois rien, et ça finit par me tomber des mains. Trop d’acronymes, trop d’ellipses, trop de non-dits qui nuisent fortement à la lisibilité.
    Je déteste arrêter un livre avant la fin. Celui là, c’est pire que tout, on ne peut même pas dire que je l’ai détesté. Alors, je l’ai remis au milieu des dizaines de livres en attente d’être lus… Peut-être est-ce une question état d’esprit, de mauvais moment pour moi pour lire ce livre. Je réessaierai dans quelques années !
    Paru chez Denoël Lunes d’Encre

    lundi 13 mai 2013

    La chronique de Soleil Vert


    Sous l’influence d’une entité extra-terrestre un groupe de savants et de militaires met au point une « bombe iconique » qui échappe à leur contrôle et provoque la disparition des trois quarts de l’Humanité. Les survivants traquent les coupables et tentent de reconstituer la séquence d’évènements à l’origine de la catastrophe. Au centre de leur quête, la mystérieuse entité aux identités multiples.

    Déjà remarqués pour Cleer (1) un ouvrage ayant pour cadre une entreprise multinationale, Laura et Laurent Kloetzer récidivent avec un livre ambitieux qui prolonge la thématique du précédent. Anamnèse de Lady Star dénonce la toute puissance des images et la négation de l’individu dans les sociétés contemporaines. L’idée de la bombe iconique, n’est certes pas nouvelle. Dans Glyphes (2) de Paul J. McAuley un certain Morph dessine des graffitis sur les murs de Londres. Leur vue provoque un état de transe chez les victimes. La contemplation d’un dessin particulier engendre un état de conscience correspondant et rend possible une manipulation mentale.
    Mais les deux auteurs sont allés plus loin. L’altération psychique générée par le glyphe ou l’icône détruit le porteur et surtout se propage de façon pandémique par la vue et par tous les canaux de transmission possibles. Comme une métaphore des buzz sur les réseaux sociaux…

    Plus important, les Kloetzer ont rédigé un ouvrage placé sous « l’empire des signes » pour paraphraser le titre d’un essai de Roland Barthes.
    Tout est signe en effet dans Anamnèse de Lady Star. En premier lieu Hypasie, un des noms de l’Elohim extra-terrestre muse du sémiologue français Aberlour, qui calligraphie des icônes sous sa dictée. Hypasie, que Callixte tente en vain d’étreindre, se nourrit comme ses semblables des émotions des humains et ne leur renvoie que leur propre image. Signes aussi, les quantités astronomiques de films visionnés par les comités d’enquête plusieurs décennies après le « Satori ». Le roman se lit comme une succession de témoignages et d’observations et s’écarte du classique récit de survie post apocalyptique.


    Les créateurs d’Anamnèse de Lady Star ont conçus leur texte comme un assemblage de récits avec des ruptures chronologiques – à l'image de la nouvelle « Trois singes » extrait de l’anthologie de Serge Lehman Retour sur l’horizon. Le style, (avantage de l’écriture à deux mains ?) n’est jamais uniforme. Les variations autour du présent de l’indicatif, une leçon de Robert Silverberg, donnent parfois à la narration un caractère halluciné ou fiévreux.


    Certains chapitres demandent un effort de lecture plus soutenu. C’est le prix à payer pour une oeuvre conceptuelle, spéculative qui renoue avec les visions noires de Brunner, Herbert ou Ballard.


    (1) http://soleilgreen.blogspot.fr/2011/05/sf-et-entreprise-1.html
    (2) http://www.actusf.com/spip/article-4705.html

    Marianne L sur SensCritique

    http://www.senscritique.com/livre/Anamnese_de_Lady_Star/critique/22182087


    Parfois certaines quatrièmes de couverture emphatiques sonnent très faux. Ici c’est tout l’inverse : "Anamnèse de Lady Star fera date dans l’histoire de la science fiction française". Vraiment.
    L’humanité a été anéantie aux trois-quarts lors de cet événement ensuite appelé le Satori, l’explosion d’une bombe "iconique" à Islamabad. Les représentations visuelles transmises par cette bombe entraînent un effondrement psychique et la mort, effondrement qui se transmet d’un individu à l’autre par un simple regard. Les coupables, un petit groupe d’universitaires et de militaires français dépassés par leur création diabolique, ont été retrouvés, jugés et exécutés par un tribunal international.
    Mais cinquante ans après le Satori, utilisant les savoir-faire les plus pointus combinés à leurs instincts, des chercheurs traquent pour les effacer toutes les traces de la connaissance ayant permis un tel crime, et veulent éliminer tous les pièges à retardement que le Satori a laissé derrière lui, dans le monde démantelé d’une humanité décimée. Tournant autour du Satori comme de l’œil du cyclone, de 16 ans avant à 53 ans après lui, le récit se condense sur les traces mystérieuses d’une femme extra-terrestre, une Venus évanescente, et qui semble réapparaître dans toutes les facettes de ce drame.
    Un récit passionnant, magnifique et fascinant.
    « Que cherchons-nous ? Une femme, peut-être, une idée, sûrement.
    Comment la nommer ? Vous m’avez posé la question, au début. Puis elle s’est installée là, entre nous, un objet de travail, une quête partagée. Je vous entends parler d’elle. Vous dites "Le dossier fantôme", vous dites "Marguerite", vous dites "Nomen Rosae". Je n’ose rien poser. Nous voulons capturer de la fumée à l’aide d’un filet impalpable, elle se tient là, devant nous et si je la nomme, elle, celle à laquelle vous voulez me faire croire, je crains de la précipiter, de la projeter dans un référentiel où elle n’apparaîtra plus. Je ne suis ni un poète ni un rêveur. Je ne poursuis pas un idéal féminin. Je me moque de savoir si elle existe, si elle nous manipule, si elle nous ment. Je me moque de lui donner un nom. Nous avons de bonnes raisons de penser qu’elle était dans l’entourage d’Aberlour. De bonnes raisons, cela me suffit. Le témoignage de Herriman, les corps de Giessbach, le témoignage de Longtun que vous ne connaissez pas encore. C’est assez. Elle est plastique, elle s’est coulée dans leurs volontés, et même si ses intentions ne sont pas mauvaises, quelqu’un pourrait la manipuler, tenter de retrouver les gestes de leur foutue calligraphie, les signes de la bombe. Rappelez-vous : elle se tient en haut d’une montagne de milliards de cadavres.»

    Chronique de Jérémy Bernède dans le Midi Libre du 10 mai 2013


    lundi 6 mai 2013

    L'avis de René-Marc Dohel sur la noosfère

    http://www.noosfere.com/icarus/livres/niourf.asp?numlivre=2146584022

    Trois ans après Cleer, voici le deuxième ouvrage de l'entité bicéphale L.L. Kloetzer, toujours dans la collection Lunes d'Encre de Denoël. A l'origine de ce récit, la nouvelle trois singes, parue dans l'anthologie Retour sur l'horizon et que l'on retrouve ici intégralement dans le deuxième chapitre.

    Une équipe scientifique française met au point une arme ultime capable d'éliminer rapidement, avec l'aspect d'une maladie, une partie de la population selon des critères génétiques. Après un premier test concluant par des militaires dans une vallée asiatique perdue, une utilisation à grande échelle tourne mal : la sélection des victimes n'est pas efficace et la majeure partie de l'humanité y passe. Cet événement tragique est assez ironiquement baptisé le Satori : un terme bouddhiste synonyme de l'épiphanie, le passage à une nouvelle étape de la compréhension, un éveil. Les témoignages des militaires, les informations glanées par une commission d'enquête officielle, le reportage d'une journaliste et d'autres récits indiquent la présence d'une femme évanescente, une Elohim, liée à l'équipe scientifique créatrice de l'arme.

    On le voit au travers de ce bref résumé, ainsi qu'avec le titre ou la (superbe) couverture : Anamnèse de Lady Star est un livre mystérieux. A l'opposé de Cleer, dont les personnages, si fiers de travailler pour une multinationale rêvée, étaient portés par les certitudes et par leur supériorité, tout dans ce roman est trouble, sujet à caution. Ce n'est pas pour rien que l'on peut trouver, au fil de la lecture, des références à Christopher Priest ou à Philip Dick : le doute, le questionnement de la réalité sont omniprésents dans le récit. Le duo Kloetzer ne facilite pas le travail : beaucoup d'informations sont distillées sans être expliquées. La nature même du personnage central, si elle est qualifiée d'Elohim, n'est pas plus détaillée, et c'est au lecteur de faire la part des choses, de s'interroger sur son existence. Les témoignages sont avant tout des narrations subjectives, parfois des dizaines d'années après les événements, et ceci ajoute à leur faible fiabilité.

    Sur la forme, si Anamnèse... se présente comme une succession de récits, ce n'est pas un recueil de nouvelles : ses différents chapitres forment bien un roman cohérent. D'un texte à l'autre, le narrateur, et donc le style, change. Si on est par moment dans le factuel rythmé par des dialogues, ou dans le récit à la première personne, on peut passer, dans le chapitre Giessbach, à un tunnel de quarante pages, quasiment sans interruption, sans respiration, une extraction brute de mémoires, peut-être le plus beau passage du roman, difficile à lâcher malgré son aridité. Car ce livre n'est certainement pas un page-turner : il demande des efforts au lecteur, sa compréhension se mérite et le lire trop vite serait gâcher la richesse de son contenu. Là ou Cleer était trop bref, ne montait pas assez en puissance et m'avait déçu par la sous-exploitation de son sujet, Anamnèse de Lady Star prend toute son ampleur, déploie son récit sur la bonne longueur et va au bout de ses ambitions. Et si l'influence de Christopher Priest est évidente (l'écrivain ne s'en cache pas), c'est plutôt à côté des grands romans de John Brunner que je classe ce livre : les thèmes abordés et la qualité du la narration n'ont pas grand-chose à envier à l'auteur de Tous à Zanzibar, et on obtient le meilleur roman de science-fiction de ces dernières années.



    dimanche 5 mai 2013

    L'avis de la librairie fantastique

    Parfois je suis un peu constipée de l’écriture. Il me faut digérer une lecture, l’envie d’en parler se fait sentir mais la chronique n’est pas prête à être délivrée ! (si c’est pas beau cette entrée en matière… quand même.)


    J’admire donc ces bloggeurs à même de tout le temps donner à chaud, avec une constance d’écriture précise (tous les jours ou tous les deux jours pour certains, rassurez-moi vous n’êtes pas des robots ?), leurs impressions sur un livre.


    Moi j’ai besoin de remâcher, de trouver les mots pour expliquer certaines images qui me viennent en tête. J’ai besoin de me remettre en situation, de retisser des liens entre l’écriture, l’histoire, les différents chapitres. Bref, ça demande de la préparation tout ça. Bon je n’aime pas attendre trop longtemps non plus, sinon je finis par oublier la moitié de ma lecture et je suis obligée de reprendre le livre sans cesse, je me force.


    Là, pour vous illustrer de quoi je parle, ça m’est arrivé avec Anamnèse de Lady Star, de L.L. Kloetzer, aux éditions Denoël. J’ai terminé le roman lundi, et mon esprit est resté comme coincé dans cette lecture, sans moyen de passer à autre chose, mais sans moyen non plus d’expliquer l’expérience que je venais de vivre. J’ai eu besoin de m’en remettre à mon rythme. J’ai tenté dix minutes après d’ouvrir Orgasme à Moscou de Edgar Hilsenrath, pourtant une autre très bonne lecture, mais le choc des genres a été si difficile à encaisser que je n’ai pas pu aller très loin. Il fallait me l’avouer, Anamnèse de Lady Starm’occupait toujours l’esprit, et j’avais besoin de temps pour me consacrer à autre chose.


    J’ai lu Anamnèse de Lady Star en deux temps, en deux jours, sur deux périodes de trois heures sans interruption… il faut que je vous dise que je n’ai pas lu trois heures sans interruption depuis, fioute, un sacré temps, disons certainement depuis mes études où je passais tout mon temps libre ou presque à libre, et même mes études à lire (déjà j'étudiais en spé métiers du livre, mais en plus je passais plus de temps à lire cachée derrière la table qu’à retranscrire les cours, c’est comme ça !). Non sans dec’, j’ai quand même réussi à réitérer cet exploit la semaine d’avant pour Les Proies, donc j’en fais un peu trop. Mais il est vrai que ça m’arrive rarement. Et là où Les Proies était quand même d’un niveau de lecture assez simple, L.L. Kloetzer place la barre au-dessus.
    Je tiens à dire deux mots sur la couv' du livre, qui est une oeuvre 
    d'art de Stéphane Perger, mais malgré tout vraiment trop rose. 
    Sérieux... trop de rose tue le rose.


    Mais qu’est-ce donc, Anamnèse de Lady Star ? Déjà le titre intrigue, personne ne sait ce que veut dire Anamnèse, c’est un mot bizarre, inusuel, et Lady Star, qui est-ce ? Je répondrai à ceci en temps voulu, place à un petit résumé (le moment que j’aime le moins, mais qui vous accroche le plus).


    Dans un futur proche, l’homme a établi le Contact avec les hommes descendus des cieux, les Elohim. Ils vivent parmi les humains, s’intègrent parfaitement ou presque à la civilisation.
    Dans un futur proche à lieu le Satori, le jour où une bombe a explosé à Islamabad, dévastant la moitié de l’humanité. C’est une bombe iconique, dont l’explosion s’attaque à la psyché, détruit les émotions intérieures, réduisant les hommes à l’état de légumes et qui peuvent contaminer les autres d’un simple regard.
    Trente ans après, une commission internationale a jugé tous les terroristes, les a condamné à perpétuité ou à se balancer au bout d’une corde. Mais certains sont persuadés que l’une d’entre eux manque, l’éternelle absente, dont on ne connait ni le nom ni le visage, sur qui l’on ne possède aucune piste fiable, excepté l’intuition qu’elle était là, et qu’elle a participé d’une manière ou d’une autre, qu’elle détient le dernier mot de l’histoire.


    L.L. Kloetzer a un don. Je devrais le mettre au pluriel parce qu’ils sont L. et L. Kloetzer, Laurent et Laure, mari et femme, les deux hémisphères du cerveau de l’œuvre. Ils ont, donc, un don. Ils sont capables de mélanger les genres, et de les sublimer. De l’apocalyptique, on en a eu à la pelle, sur papier et sur écran. De l’extraterrestre, on en a eu à foison, et du mélange des deux, on en a aussi eu assez pour une indigestion. Mais là, on est face à ce roman, inscrit dans la lignée de la SF apocalyptique, post-apocalyptique, dont la construction originale vous happe littéralement (pendant ma lecture je n’arrivais pas à m’arrêter) et dont la plume à la fois incisive et douce vous guide avec fascination du début jusqu’à la fin.
    Le duo L. L. fait vivre son roman sur soixante ans, de l’année -16 avant le Satori jusqu’à 50 ans après, retraçant ainsi les prémices du projet STAR (le projet de la bombe iconique), l’explosion de la bombe lancée par un fanatique, jusqu’à la chasse à l’homme obsessionnelle qui animera les survivants pour capturer celle qui leur glisse entre les doigts comme un fantôme, et qui fait le lien entre toutes les époques, omniprésente mais toujours absente, la clé de l’histoire et du roman.


    La force des Kloetzer, c’est d’arriver à créer un canevas cohérent et incroyablement bien construit avec des bouts de ficelles ténues. Il faut s’accrocher, chaque chapitre relatant l’avant ou l’après Satori est écrit avec le style qui correspond à son narrateur, à son personnage principal, allant du témoignage, à l’interview, à la confession. Très peu de choses sont expliquées, c’est au lecteur de saisir les bases de cet univers proche du notre où l’on comprend que l’homme et l’extraterrestres vivent ensemble sur Terre, se mêlent sans distinction. Les Elohims sont des êtres changeants, qui s‘adaptent aux humains pour vivre, ont besoin d’eux, de leur reconnaissance, de leur soutien, de leurs souvenirs pour être tangibles, présents, libres. L’après Satori, le jugement, la traque, sont contés dans un désordre chronologique volontaire, par le biais de différents narrateurs et à leur manière, et ce sont les nouveau termes techniques, les nouvelles normes de l’humanité qu’inventent Kloetzer qui déstabilise le lecteur, à la fois proche de notre civilisation, et finalement totalement nouveau.


    Ils définissent un nouvel ordre chaotique, constamment en guerre, toujours sur ses gardes, d’une grande violence, à la recherche d’un avenir possible sur une terre à l’agonie où titubent les malades du Satori, prêts à contaminer chaque survivant sur son passage. Ils imaginent un univers implacable, et nous projettent dedans, nous mettent en état de choc face à la dureté de cette bombe qui s’attaque au soi, épargne certains et achève les autres de façon sournoise et terrible, un futur où l’humain décide de détruite l’âme humaine et non pas l’être humain.

    Mais l’écriture poétique de Kloetzer, pointue et relevée, contrebalance avec brio cette dureté, ce propos terrible d’une presque éradication de l’humanité. C’est une langue difficile, qui alterne entre la beauté des mots, la fluidité des phrases et le heurt de ces termes nouveaux, de ce langage futur devant lequel on hésite au premier abord, alors on le relit, on l’absorbe, et il nous fait glisser habilement d’un coin à l’autre du récit, sans écueil, avec une aisance remarquable, une langue tout à fait à l’image de son titre, d’ailleurs ! Alors, je me suis renseignée pour l’origine du mot « anamnèse », qui ne me parlait absolument pas. Et il a plusieurs significations, une signification ésotérique (on pense aux homme qui viennent du ciel), médicinale (on pense à la maladie propagée par la bombe), psychologie (on pense au icônes qui s’attaquent à la psyché), religieuse (on pense aux Elohim qui ne vivent que par la l’adoration du l’humain), mais les synonymes proposés à l’anamnèse vous parleront certainement mieux, « expérience, histoire, passé ». C’est finalement en lisant l’œuvre, en terminant le roman, que ceci prend tout son sens.


    Bon, voilà comment j’ai vécu la lecture d’Anamnèse de Lady Star, avec unefascination compulsive, cette conscience aiguë de lire une nouvelle expérimentation du genre, difficile mais tout à fait géniale. J’ai fini par digérer ma lecture, mais je suis un peu déçue par cette masse grouillante d’idées que je vous lance à la figure.
    Anamnèse de Lady Star est tellement… tellement plus subtil, tellement plus complet, tellement PLUS. Il y aurait tant à dire. J’avais déjà beaucoup aimé le précédent titre du duo Kloetzer, Cleer, paru en 2010,mais là je suis conquise.


    Je vais en rester là, me concentrer sur Orgasme à Moscou où je vais me payer une tranche de rire, là pas de chausse-trappes dans l’écriture, pas de subtilités non plus, mais du plaisir aussi ! Je vous en dirai des nouvelles.

    jeudi 2 mai 2013

    La chronique du Traqueur Stellaire

    Du couple Kloetzer, j’avais déjà lu Cleer, lauréat du Prix des Blogueurs Planète-SF 2011, et très bon premier roman. La sortie de leur nouvel ouvrage, Anamnèse de Lady Star, aux éditions Denoël Lunes d’Encres, ne pouvait donc que retenir mon attention. D’autant qu’un des chapitres correspond à la nouvelle « Trois singes », précédemment publiée dans l’anthologie « Retour sur l’horizon » de Serge Lehman, et dont les critiques avaient déjà attisé ma curiosité.

    Pour ce second roman, L. L. Kloetzer nous plongent dans un futur proche apocalyptique, articulé autour d’un drame majeur : l’attentat d’Islamabad, et la disparition des trois quarts de la population humaine. L’arme utilisée, la bombe iconique, est un terrible assemblage d’effets psychédéliques, de flashs stroboscopiques et d’icônes calligraphiques à persistance rétinienne s’imprimant dans le subconscient de chacun. la bombe psychique entraîne rapidement l’effondrement de la conscience de ses victimes, qui meurent en quelques jours d’inanition. Le message subliminal se diffuse aussi par contact social entre une personne contaminée et un individu sain, créant des « porteurs lents » qui succomberont à leur tour au mal psychique à moyen ou long terme. Conséquence directe de l’attentat, des gouvernements se croyant attaqués lancèrent des ripostes contre leurs ennemis géopolitiques, entraînant une vague de chaos militaire et nucléaire dans les jours qui suivirent.

    Cet événement apocalyptique, dénommé le Satori, marque la fin de notre époque et l’avènement d’un monde à reconstruire, où les survivants sont parvenus à créer une civilisation hyper-technologique, s’isolant militairement des zones contaminées par les « porteurs lents » réduits à vivre comme des hordes sauvages. L’intrigue se déroule avant et après le Satori, et s’articule autour de plusieurs tableaux tentant de faire toute la lumière sur cet attentat. Qui étaient les commanditaires ? Qui fut le porteur de la bombe ? Pourquoi l’avoir déclenchée ? La cabale à l’origine de ce génocide a-t-elle bien été éradiquée, et dans le cas contraire, la bombe iconique peut-elle encore frapper un jour le monde ? La traque engagée contre les commanditaires du Satori s’articule en une série de témoignages, à la manière du World War Z de Max Brooks. Au cœur du roman, nous traquons une femme, ou plus précisément une Elohim. Créature non-humaine extra-terrestre ou d’origine divine ? Comme Pandore, la femme faite de terre et d’eau par Héphaïstos, elle est à la fois la clé et l’inspiratrice de la bombe iconique, cette jarre moderne contenant tous les maux de l’humanité. Le mythe grec rejoint le roman. Mais peut-on refermer la boîte de Pandore ? L’humanité peut-elle enfin tourner la page du Satori ? La « femme » se fait songe, désir inavouable de ceux-là même qui la traquent ; comment peut-on venir à bout d’une créature se réincarnant à chaque évocation de son souvenir ?

    Roman à l’écriture forte et menée par un duo désormais très bien rodé à l’exercice, Anamnèse de Lady Star est un très bon livre, captivant et efficace. Une belle pépite d’anticipation, qui comme pour Cleer mêle high-tech et psychologie le long de ce jeu de pistes et de cette quête menée pour fermer cette boîte de Pandore. Il ne vous reste plus qu’à le lire pour savoir si cette course après Pandore aboutira ou restera vaine.


    http://www.traqueur-stellaire.net/2013/05/anamnese-lady-star-kloetzer/

    mercredi 1 mai 2013

    L'avis de Philémont

    Il est des auteurs qui génèrent automatiquement l'enthousiasme à chacune de leurs publications. Laurent KLOETZER est de ceux-là depuis ses débuts, notamment avec sa fantasy très personnelle et, depuis 2010, sous la signature L. L. KLOETZER, qui s'avère être une entité à quatre mains composée de lui-même et de son épouse, Laure KLOETZER. En 2010 ils avaient produit un roman d'anticipation économique original et percutant ; en 2013 ils nous proposent un roman qui « fera date dans l'histoire de la science-fiction française », pour reprendre l'accroche de l'éditeur.

    Anamnèse de Lady Star est un roman apocalyptique. Dans un futur indéterminé, mais que l'on sent proche, un attentat d'un genre nouveau a provoqué depuis Islamabad une pandémie sur la totalité de la planète. La plupart des responsables ont été arrêtés, mais une femme, l'inspiratrice de la secte à l'origine de l'attentat, est demeurée insaisissable. Or, sa seule existence est un risque puisqu'elle détient le secret de la fameuse bombe iconique qui décime l'humanité depuis plus d'un demi-siècle...

    A partir de ce pitch L. L. KLOETZER fait de son roman une véritable traque. Autour de la date clé de l'attentat d'Islamabad (nommé Satori, qui désigne l'éveil spirituel dans le bouddhisme zen), l'auteur rend compte de différents témoignages de personnages qui ont croisé (ou cru croiser) la route de la muse de la secte, soit quelques années avant, soit quelques années après le Satori. Chaque témoignage donne lieu à un chapitre particulier, et chacun est doté de son propre style. Il y a ainsi des allers et retours dans la trame historique qui font du roman un récit éminemment non linéaire, jusqu'à l'objet même de la traque (« Que cherchons-nous ? Une femme, peut-être, une idée, sûrement »).

    Si cette non linéarité rend le suivi du roman complexe, ce n'est rien par rapport à la narration. Car quel que soit le personnage mis en scène cette narration est toujours dense, pleine de références à des faits que le lecteur ne peut guère appréhender, chaque témoignage étant relié aux autres d'une façon ou d'une autre. C'est aussi en cela que L. L. KLOETZER est l'auteur d'une véritable prouesse littéraire, puisqu'il parvient à relier la multitude d'éléments épars de son récit pour aboutir à une trame complète et cohérente qui tient en éveil le lecteur jusqu'à la conclusion.

    Bien sûr cette lecture nécessite une attention de tous les instants. Bien sûr l'auteur maintient dans l'ombre bon nombre d'éléments de l'intrigue. Mais c'est aussi cela qui nous fait bénéficier de quelques fulgurances sur l'état de nos sociétés contemporaines (« Personne ne meurt. Quelque chose s'efface. Quelque chose n'a jamais existé »). C'est surtout cela qui fait travailler l'imaginaire du lecteur et donne tout son sel à un roman qui, de fait, est bel et bien anachronique dans un genre littéraire bien trop souvent standardisé.



    http://philemont.over-blog.net/anamn%C3%A8se-de-lady-star-l.-l.-kloetzer