lundi 29 juillet 2013

Sur le blog.o.livre

http://www.blog-o-livre.com/anamnese-de-lady-star-l-l-kloetzer/

Je dois bien avouer qu’après un excellent premier roman, Cleer, nous offrant une histoire fascinante, magique, pleine de poésie et nous proposant une immersion onirique et fantastique dans l’univers d’une multinationale possédant  son lot de surprises (Ma chronique deCleer ici), j’avais hâte de voir ce qu’allait bien pouvoir nous proposer les auteurs dans leur nouveau roman. De plus je trouve le concept de la couverture de ce livre vraiment envoutant et efficace, ce qui ajoute un certain attrait au livre.
Le premier chapitre de ce roman va pourtant légèrement me dérouter, pas que j’ai eu du mal à entrer dans l’histoire, loin de là, juste que je ne comprenais pas bien où me menait clairement les auteurs. Puis plus j’avançais dans ce patchwork de témoignages, tous plus ou moins gravitant autour du Satori et de cette muse, plus je me suis senti fasciné par cette histoire et cela pour plusieurs raisons. La première vient déjà de cette traque de Lady Star qui se révèle passionnante  et impressionnante à travers les différents témoignages qui nous sont rapportés.
Rien n’est laissé au hasard, que ce soit dans l’évolution du récit comme dans la construction, et le tout possède une fluidité entrainante au fil des pages pour peu qu’on se laisse porter par le récit qui se révèle bien mené avec son lot de surprises et d’énigmes. Mais surtout on se trouve emporté par le personnage de Lady Star et ses multiples personnalités, chaque témoignage se rapporte à un moment ou à un autre à ce personnage qui se révèle d’une complexité et d’une densité dans sa construction parcellaire qu’on se retrouve fasciné à chaque nouvel élément, chaque bride d’information.
Ensuite ce qui m’a aussi passionné dans ce texte c’est sa construction qui est loin d’être linéaire à travers chacun de ces témoignages, en effet chaque passage, chaque déclaration se révèle être un morceau du puzzle, de l’intrigue, que le lecteur va devoir remettre en place. C’est en fait ce travail entre le l’écrivain et le lecteur qui m’a vraiment plu, le fait que le lecteur ne soit pas au final qu’un spectateur mais qu’il doit ainsi ajuster les différentes parties du casse tête pour bien tout comprendre, tout assimiler.
Ajouter à cela un travail des auteurs sur notre époque, un récit qui ouvre vraiment à réflexion sur énormément de sujets que ce soit la religion, le terrorisme, le pouvoir, les réseaux sociaux, le travail sur la mémoire ou encore sur le fait que pour se considérer « visible » on dépend des autres, de leurs regards, leurs envies , leurs fascinations. Mon seul petit regret dans l’histoire, et encore, c’est les passages un peu « zombie » que j’ai trouvé légèrement décalé dans cette histoire, mais rien de bien dérangeant au final.
Concernant l’univers mis en place par les auteurs il est tout aussi fascinant à découvrir et à imaginer. Mais voilà, il ne se laisse pas capter facilement vu qu’il se révèle être une évidence pour tous les personnages, que ce soit les points de vues sociaux, technologiques ou sur les évènements, il n’est donc pas explicité de façon méthodique et linéaire, mais plutôt morcelé, où le lecteur va devoir s’approprier à sa sauce cet univers. C’est à double tranchant soit le lecteur aime faire travailler son esprit et il se retrouve fasciné, soit il préfère se faire guider de façon claire et il risque de se sentir perdu dans ce roman. Dans tous les cas moi j’ai trouvé ce monde futuriste vraiment intéressant, dense, soigné et surtout qui laisse facilement libre court à l’imagination, à la fantaisie même si cela reste dans une certaine limite. Un univers pleinement SF avec ses êtres d’une autre planète et plus on avance dans le récit, plus les auteurs ouvrent les facettes de la possibilité d’autres mondes, mais je vous laisse découvrir.
Concernant les personnages comme je l’ai déjà dit Lady Star, même si elle est souvent au second plan, se révèle un personnage important et fascinant comme dans sa simple quête au final d’être vue, reconnue et à minima aimée. C’est une Elohim et elle a obligatoirement besoin des autres ce qui se ressent fortement à travers les différents témoignages. Mais voilà il n’y pas que Lady Star dans ce roman, tous les autres personnages qu’on retrouve dans ce roman se trouvent être soit passionnants, soit intéressants et tous se révèlent complexes et denses avec leurs souffrances, leurs besoins et leurs envies. Chaque personnage offre aussi un point de vue différent, une nouvelle approche de ce monde futuriste qu’on découvre, mais aussi de cette société qui survit du mieux qu’elle le peut suite à la catastrophe. Des personnages qu’on aime ou qu’on déteste, mais qui dans tous les cas ne laissent pas indifférent le lecteur.
La plume des auteurs se révèle vraiment dense, travaillée voir même limite sophistiquée, dans le bon sens du terme, mais possède aussi une certaine magie, une certaine poésie  dans la façon de mettre en avant son récit, de le présenter. Une plume plaisante mais qu’il faut, certes, parfois apprivoiser. Au final j’avoue que j’ai adoré la lecture de ce livre à travers cette fresque de témoignages qui nous font réfléchir sur énormément d’aspects avec en ligne de fond la traque d’un personnage emplie de mystère et de fascination. Un roman qui se savoure, lentement, au fil des pages et des témoignages; un roman qui se découvre. Mais voilà il faut aussi bien le mettre en avant ce livre n’est pas non plus un livre facile d’accès, chacun devra se faire son avis, car à travers ces pages il y a autant un travail d’écriture qu’un travail de lecture qui doit être réalisé pour visualiser au mieux cette fresque, cette intrigue. Moi je n’ai pas du tout été déçu de ma lecture et je lirai sans soucis les autres romans des auteurs.

vendredi 19 juillet 2013

Un essai très riche de Joseph Altairac

http://www.actusf.com/spip/L-expresso-de-l-Oncle-Joe-7.html

Extrait.

Le monde existe : la preuve, il possède une chronologie.
Ce n’est pas une remarque anodine. « Anamnèse de Lady Star  » s’ouvre sur cette chronologie, garantissant que tout ce qui raconté — vrai ou faux, correctement ou incorrectement interprété — court sur une durée de 62 ans, entre -18 et +54, le 0 correspondant à l’« Attentat d’Islamabad », déclencheur du « Satori », la « pandémie terrifiante », comme il est dit en quatrième de couverture. Ce n’est pas un remarque anodine, car il serait alors trop facile, et surtout bien dommage, de se débarrasser de l’ensemble des problèmes à la fois crispants, obsédants, horripilants et passionnants que soulève le roman — ou que l’on se fabrique soi-même par dessus le marché en cours de lecture —, en décrétant que tout ceci ne serait que l’immense hallucination d’un des personnages, ou une sorte de synthèse onirique des hallucinations de plusieurs personnages : des rêves et des hallucinations, ce n’est pas ce qui manque dans « Anamnèse de Lady Star », mais cette chronologie, exposée avant même la page de titre — je refuse de savoir que c’est un procédé de l’éditeur, qui pratique de manière similaire avec d’autres romans de statuts tout différents —, entérine l’existence formelle de l’univers de référence, avec ses principes, ses invariants, sa charte implicite, sur lesquels se projette le drame. Exit l’échappatoire facile, si l’on veut chroniquer « Anamnèse de Lady Star », il faut loyalement accepter le risque de s’y casser les dents.

(...)

L’énigme des Elohims

Dès le premier témoignage, celui de Callixte Longtun, Hypasie, qui s’appelle encore Kirsten Lie, est présentée comme une « Elohim » :

«  Callixte n’a jamais cru au Contact, comme tout catholique éduqué il est très soupçonneux dès qu’il entend parler d’un miracle. […] Il avait une vingtaine d’années quand tout a commencé, il pensait que la mode extraterrestre serait vite passée ; sur ce point, il admet s’être trompé.
Dans les discussions il faisait partie des sceptiques, des méfiants. Le phénomène a enflé, il y a eu l’Agora, les résurgences, les témoignages de plus en plus nombreux de la présence des autres, ceux qui ne sont pas nés d’une femme. Un sociologue quelconque l’a constaté : nous sommes maintenant tous à moins de trois degrés de séparation de l’un d’entre eux. Mais, même mis en présence d’un fils des étoiles, la plupart des gens continuaient à croire à un complot américain/chinois/saoudien. Comment croire à des étrangers si semblables ? Qui nous connaissaient si bien ? Comment expliquer que si peu de choses ait changé depuis leur apparition, sinon par le fait évident que l’ensemble de cette histoire relevait d’une forme d’illusion collective ? L’Agora est devenu un lobby influent, […], on a parlé d’utilisation militaire des capacités métacognitives des fils des étoiles, quelques mythes du surhomme ont été réactivés. La fusion de la minorité Elo dans la société a surtout entraîné le développement des publicités invasives, des théories du Gestalt, des tenant de la déconnexion totale et des arcs narratifs de nombreux soap de qualité. Un peu de fiction se rependait dans le monde réel, comme toujours. Et les revendications sociales des Elo et de leurs amis sonnaient tout aussi creux que celles des clans gays et lesbiens, quelques décennies plus tôt.
On ne pouvait toutefois plus ignorer leur présence. […] Il essaie de comprendre quelque chose aux théories du swap, à l’imprégnation mimétique, à tous les phénomènes hypnotiques entourant les fils des étoiles. […] 
 »
« Imprégnation mimétique  », «  phénomènes hypnotiques  », voilà qui colle bien à l’énigmatique Hypasie/Kristen Lie, styliste et maîtresse du professeur Abelour, mais la qualifier d’« Elohim », c’est expliquer une énigme par un mystère… Cependant, à ma première lecture, une expression m’a immédiatement frappé : « fils des étoiles  », qui s’est instantanément transformée en « enfants des étoiles », comme chacun sait le titre d’un roman de H.G. Wells, publié en 1937 et traduit en français en 1939… Je me permets de me citer moi-même, en recopiant un extrait du petit guide «  H.G. Wells, parcours d’une œuvre » (Encrage, 1998) qui résume le roman :

« L’historien Joseph Davis est saisi d’une sourde inquiétude. Sa femme, enceinte, lui paraît avoir un comportement étrange. Et une puissance extraterrestre, des Martiens peut-être, tentait de modifier, de « martianiser » l’espèce humaine, en bombardant les chromosomes humains au moyen de rayons cosmiques ? Ce serait la plus subtile des invasions. Certains indices laissent à penser que cette idée n’est pas si fille que l’on pourrait le croire, et la curieuse obsession de Davis contamine quelques penseurs qui l’interprèteront à leur manière.[…] Ce dernier scientific romance est surtout prétexte à philosopher sur l’avenir de l’humanité, mais l’idée de base reste fascinante. […]  »

Une seconde référence m’est venue à l’esprit, mais moins rapidement, car je ne connais guère le dossier : celui des prétendus « enfants indigo », bizarre mouvement New Age initié dans les années 70-80 du XXe siècle et popularisé par le nombreux écrits d’un couple d’illuminés, Lee Carroll et Jan Tober : des enfants naîtraient de temps à autre avec des caractéristiques psychologiques — et parapsychologiques — particulières, qui les désigneraient comme une nouvelle étape de l’évolution de l’humanité. Lee Carroll et Jan Tober étant des adeptes convaincus du « channeling  », prétendu procédé de communication télépathique avec des entités surnaturelles ou extraterrestres, tout se tient… H.G. Wells aurait sûrement été surpris de voir ainsi bizarrement déformée et factualisée une de ses idées ! L.L. Kloetzer, en créant les « Elohims  », a réalisé une habile fusion des « Star Begotten » wellsiens et des «  star children  » du New Age. On y voit donc un peu plus clair, mais on ne saura pas, dans « Anamnèse de Lady Star  » si la qualité d’« extraterrestre  » d’Hypasie, comme des autres « Elohims  », doit être prise au pied de la lettre. Au lecteur d’interpréter. Hypasie conservera en tout cas tout un long du récit un caractère que l’on pourrait qualifier de numineux. Sans excès, cependant : que les sensibilités matérialistes se rassurent.

(...)

Le reste ici: