jeudi 17 octobre 2013

La chronique d'Anudar

http://grandebibliotheque.blogspot.ch/2013/10/anamnese-de-lady-star.html

Après la corporate-fiction, les Kloetzer s'essayent donc au post-apocalyptique, la majeure partie d'Anamnèse de Lady Star se passant après la catastrophe désignée d'une façon assez ironique par le vocable Satori. Des jours terribles qui suivent l'attentat d'Islamabad, le lecteur ne saura presque rien hormis à travers le témoignage ironique et moqueur de l'homme qui a déclenché la bombe - le seul, peut-être, à être immunisé contre ses effets : ce qui intéresse les auteurs, bien sûr, c'est la traque de la compagne/muse d'Aberlour. Une traque menée, un demi-siècle après le Satori, par une jeune chercheuse dont les hypothèses révolutionnaires vont amener - peut-être - ses chefs à fermer la boîte de Pandore une bonne fois pour toutes. Une traque de l'ère numérique, où les intelligences artificielles et autres moteurs de recherche deviennent les adjuvants nécessaires d'une quête qui ne dit pas son nom, parce que Magda et ses supérieurs ne sont, somme toute, rien d'autre que des paladins cherchant à mettre à jamais l'espèce humaine à l'abri de l'horreur qui l'a déjà frappée une fois. Ainsi les Kloetzer, à travers quelques références - par exemple aux méthodes Karenberg - mais aussi à travers une démarche typique font-ils le lien avec la post-fantasy de Cleer, sans toutefois se heurter à l'écueil de l'auto-citation intempestive.

Explorant tout d'abord les racines et les premiers surgeons du Satori, Anamnèse de Lady Star apparaît dans un premier temps comme un roman très dynamique et d'une extrême solidité interne. Cette idée d'une bombe mémétique, frappant la conscience humaine, et dont les effets sont transmissibles d'un sujet à l'autre - y compris à travers des supports tels que la télévision, par exemple ! - a quelque chose de vertigineux. Les esprits tatillons pourront, bien sûr, questionner la cohérence de l'invention et se demander, par exemple, comment le Satori a pu laisser des survivants si même les Porteurs Lents sont contagieux ? Il n'empêche : l'idée me semble si neuve, si originale, qu'il est d'autant plus facile de renoncer à de trop simples critiques pour se laisser couler dans le fil d'une histoire où le passé répond au présent de l'enquête.

Et puis... et puis... arrive le dernier quart du roman, et voilà que se dissipent en quelques pages toute la créativité, toute l'ingéniosité, toute l'originalité, en un mot toute l'intelligence des trois premiers. On a presque l'impression que les auteurs, d'un coup, se lassent de leur oeuvre. A l'enquête fébrile où le passé vient éclairer le présent, et le présent éclairer le passé, se substitue un étrange magma verbeux bien peu compréhensible, duquel surnagent quelques indices qui suggèrent, peut-être, que ce monde n'est rien d'autre qu'une vaste simulation informatique, avec ses simulations dans la simulation, comme dans les passages les plus fumeux de Matrix. Mais quel dommage ! Quel gâchis ! Une conclusion en queue de poisson, à moins qu'il ne s'agisse d'un clin d'oeil à celle de Cleer, vient achever ce tableau d'un livre qui n'aura tenu presque aucune de ses promesses. Il y avait matière à fonder ici une véritable SF mémétique, en poursuivant le mouvement innovant esquissé dans Cleer ; il y avait matière à questionner l'émergence de modalités de contacts sociaux immuns à la transmission de l'épidémie mémétique et donc d'aborder la problématique post-humaine d'une façon très originale : c'est donc en toute logique fort déçu que je tourne la dernière page de ce livre, et déterminé à passer à autre chose...

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